Ibn Khaldoun

Aux côtés de son père, fin lettré, et des grands maîtres de la mosquée Zitouna, il reçoit une solide formation, notamment en sciences religieuses et rationnelles. Il plonge très tôt dans ce qu’il lui plaît d’appeler « les marais de la politique ». A dix-huit printemps à peine, il est déjà « Garde du sceau» du sultan hafside Abu Ishaq. Commence pour lui une trentaine d’années d’aventures dans l’univers du pouvoir et des intrigues, où pour nourrir son ambition, il n’hésitera pas à nouer et à défaire des alliances, où il sera balloté de Tunis à Fès, de Fès à Grenade, de Grenade à Bougie, puis Tlemcen, Tunis et enfin Le Caire.
En 1354, il est à Fès, où il demeure neuf ans. Il y fréquente les grands maîtres de l’Université Al Qaraouiyine, brigue de hauts postes ministériels, des charges entrecoupées par des séjours en prison pour avoir comploté contre le sultan. En 1362 ou 63, il quitte le Maroc pour la cour du sultan nasride de Grenade, Mohammed V al-Ghani. Lassé de l’Espagne, il décide de retourner chez lui, dans ce Maghreb que se disputent les Mérinides, Abdelwadid et les Hafsides, parcouru par les tribus arabes et berbères. Il y passera neuf années tumultueuses, « changeant chaque fois de camp selon la fortune des alliances et les aléas de la politique ».
En 1374, lassé de la politique, il décide de se retirer dans la Qal’a d’Ibn Salama dans la région de Tlemcen, pour se consacrer à l’étude, à la réflexion et à l’écriture. «C’est là que j’ai commencé à rédiger ce livre et que j’ai achevé, la Muqaddima, avec son caractère original et inédit qui la distingue et qui m’a été inspiré par cette khulwa» (lieu de retraite), dit-il. Un monument de 1300 pages, une véritable encyclopédie, un discours sur l’histoire universelle, en dira son traducteur Vincent Monteil, qu’il ne cessera de remanier jusqu’à sa mort. C’est là aussi qu’il écrira aussi, ou du moins commencera son Histoire universelle (Kitab al-îbar) qu’il appellera Le livre des enseignements et traité d’histoire ancienne et moderne sur la geste des Arabes, des Persans, des Berbères et des souverains de leur temps.
N’ayant travaillé que de mémoire, et parce qu’il a besoin de références, il décide quatre ans plus tard de demander au sultan Abou al-Abbès de revenir à Tunis. Dans la capitale hafside, il se remet à l’enseignement à l’université Zitouna. Le succès de ses cours suscite cependant quelques jalousies de ses condisciples. Le plus violent d’entre eux, l’imam Mohamed Ibn Arafa, malikite orthodoxe, le pousse même à quitter Tunis pour le Caire, sous prétexte d’entreprendre le grand pèlerinage.
Au Caire, il se consacre davantage à l’étude et à l’enseignement à l’Université d’Al Azhar, et occupe en parallèle la fonction de cadi malikite. Juge scrupuleux et rigoureux, il entreprend de s’attaquer à la corruption et au favoritisme. Mais son caractère intransigeant, hautain d’après certains, et ses projets de réformes lui créent des animosités et il se voit contraint, à plusieurs reprises de quitter son poste qu’il ne garde jamais longtemps. A sa sixième nomination, la mort le terrasse le 17 mars 1406. Malgré les animosités qu’il a suscitées parmi les religieux, politiques et savants de l’époque, nombreux sont ceux qui ont assisté à son enterrement au cimetière des Soufis, réservé aux érudits.
Il y a eu Ibn Khaldoun deux hommes, l’historien hors pair, précurseur de la sociologie moderne, et l’homme d’action ambitieux, aventureux qui a partagé la vie des princes et gouvernants et des tribus, observant leurs caractères, leurs mœurs, leurs milieux et leurs traditions.
A son époque et dans les décennies qui ont suivi, ce grand penseur était mal compris et ses écrits avaient très peu d’adeptes. Sa Muqaddima aura par contre un impact dans l’empire ottoman et en Perse dès le XVIIe s. Sa traduction en turc a permis d’attirer l’attention du monde occidental sur ce « Montesquieu arabe ». C’est quand Silvestre de Sacy en publie quelques extraits en 1806, que le monde arabe réalise l’importance et l’originalité de l’œuvre d’Ibn Khaldoun.
Ce penseur arabe des plus étudiés est souvent présenté comme étant le père fondateur de l’histoire en tant que science et discipline intellectuelle, de la sociologie et de la sociologie politique. D’aucuns ont vu en lui un précurseur des travaux de Nicolas Machiavel, Montesquieu, Auguste Comte, Karl Marx ou Max Weber. Dans le monde arabe, des réformateurs, surtout en Tunisie (Kheïreddine, Ibn AbiDhiaf), au milieu du XIXe s, ont finalement vu en lui le père spirituel de leur mouvement réformiste, souligne l’historien Abdelaziz Daouletli.
Elle obligea les Berbères sédentaires à se réfugier sur la côte et les ports de Mahdiya, Tunis, Marsa El Kharez(LaCalle), Bougie devinrent des centres actifs de commerce, mais surtout de piraterie. La course, c’est ainsi que s’appelait la piraterie, devint la source principale de la prospérité de ces villes et les expéditions des pirates ravagèrent les côtes et les îles de la Méditerranée ; une longue lutte qui se prolongea pendant le XIIème siècle opposa les descendants d’El Moezz qui régnaient encore à Mahdiya aux rois normands de Sicile qui étaient chrétiens.
La province d’Africa cessa d’être la plus puissante du Maghreb et c’est le Maghreb occidental, le Maroc, qui va jouer le rôle le plus important dans l’Histoire de l’Afrique du Nord.